Julien Leblay...
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Amérique latine à vélo : 11 000 kilomètres pour le don du sang


Retrouvez le récit de ce voyage
à vélo en Amérique du sud
dans le livre

"Cap sur Ushuaia"


304 pages dont 16 de photos couleur.
Prix public : 18 euros.
Cap sur Ushuaia. Voyage à vélo en Amérique latine

Pérou : Ayacucho - Cachora.


Quitter la ville n'est pas chose aisée. La route est défoncée, la pire jusque là. Je m'inquiète, cette route ne semble pas être très utilisée ni praticable. Je demande mon chemin plusieurs fois, tous me disent que je suis sur la bonne voie. Après 10 km de montée je m'arrête devant un policier. Lui me conseille de faire demi tour, cette route me rallonge trop. Je redescends, et chute une première fois. Le chemin se dérobe, me secoue. Je ne peux aller plus vite que 10km/h dans la descente. De retour à Ayacucho, je redemande ma route. Tous m'indiquent alors une route différente pour me rendre à Cusco. Apparemment de Ayacucho on ne se rend pas à la cité des Incas très souvent. Finalement je la trouve. Son état doit être encore pire que le chemin précédent, c'est une catasrophe. Tous les camions que je croise et qui s'arrêtent s'exclament de savoir que je vais à Cusco. Apparemment ce n'est pas à côté, je m'inquiète davantage, et une glace offerte par une passagère ne m'apportera qu'un faible réconfort.

J'évolue alors dans un désert. Le chemin n'est que poussière, les cactus en sont recouverts d'une épaisse couche. J'avance à très faible allure. Voyant que les km défilent trop lentement, je décide de pédaler de nuit. Je ne ferai qu'une halte de 4 ou 5 heures pour me reposer, le reste du temps j'essaye d' avancer sur cette piste qui me fait gémir. La pleine lune m'aide alors à avancer. Elle sera relayée par le soleil à 5h00. Je me retrouve alors dans un passage tout à fait inanimé. Un plateau vallonné cultivé, marron et jaune. Peu enthousiasmant. On me dit à plusieurs reprises que je suis les traçes d'autres cyclovoyageurs passés ici il y a deux jours. On me dit aussi que la route est longue, très longue. Affaibli et démoralisé, je décide d'arrêter une voiture. Ce sera un 4X4. A son bord Jose, 52 ans. Nous chargeons le vélo, je reste avec à l'arrière du Pick up. Commence alors un long voyage ,très long.Mon chauffeur est un pilote. A chaque virage les graviers s'enfuient sous ses roues. Je m'agrippe férocement à la voiture pour ne pas passer par dessus bord. Ainsi je traverserai tout le plateau, pendant une heure durant. Ceci peut être vécu comme un échec, mais c' est une délivrance, car rien ici n'est fait pour le voyage à vélo.

Je resterai à l'arrière de ce véhicule des heures durant. La descente est périlleuse. Le ravin est impressionnant et juste à côté de ce chemin très étroit. J'ai peur. 1h30 après nous sommes en bas,il nous faut remonter. Jose s'enhardie, les virages sont pris plus vite. Sa conduite est assez particulière . il roule à gauche. Cela nous vaut quelques frayeurs, mais il ne ralentit pas pour autant. Au fil des km nous prenons d'autres passagers, en déposons d'autres. José est un taxi express, et pourtant il travaille pour le ministère de la santé... C'est sa manière d'arrondir ses fins de mois qui en ont bien besoin (son salaire est d'environ 200 euros par mois).

Après 5 heures de route, celle ci devient encore plus effrayante et titanesque. Efrayante car je suis toujours à bord de ce bolide qui ne cesse d' accélérer. Je suis épuisé, couvert de poussière, et debout dans le coffre près à sauter en cas de besoin. Titanesque car la montagne ici est aiguisée au couteau, offre des pans d'une inclinaison impressionnante. Et est pourtant humaine car chaque petit coin où l'homme peut marcher est cultivé, labouré à la sueur des paysans., Le spectacle est grandiose, mais effroyable.

Après 7 heures de route nous arrivons enfin à handahuaylas. José me dépose à un hostel où il passera également la nuit. Avant de descendre de voiture il me demande si ça va. Je lui réponds qu'il a roulé bien trop vite.
- Schumacher ! Me dit-il en se montrant du doigt.
- Je souries timidement, puis plonge mon regard sur Teresa pour y trouver un peu de réconfort. Je suis épuisé, à la fois physiquement et moralement.

je ne sais pas s'il s'agit de la pire ou de la meilleure journée que j'ai vécu. Cette route est d'une dimension inégalable. Impossible de la faire à vélo (nous n'avons d'ailleurs pas croisé les cyclistes qui me précédaient, à croire qu'ils ont eux aussi choisi la voiture comme moyen de locomotion). Je la déconseillerai à quiconque, car elle est dangereuse, extrêmement dangereuse. J'ai eu très peur à l'arrière de cette voiture, mais à voir les personnes entassées dans les camions ou combis, je pense que ma situation n'était finalement pas si mal. En tous les cas, cette journée restera comme un moment fort de mon existence, c'est une certitude...

Je dinerai avec José. Homme très sympathique, il m'explique qu'il avait un rendez-vous à 16h00 et c'est pour cela qu'il est allé si vite. Il travaille donc pour le gouvernement et la voiture est une voiture de fonction. Il aura cependant gagné 80 soles dans la journée en transportant des péruviens ou cyclistes. Ainsi va le Pérou...

Je reprends mon vélo le lendemain. Je me sens plus en sécurité ! On m'avait promis une piste en meilleur état. C'est le cas. La route était anciennement goudronnée. Il reste aujourd'hui quelques lambeaux de goudron disséminés ici ou là me permettant d'avancer rapidement. Le reste de la route est fait de graviers grossiers secouant un peu mais plus sécurisant et confortable que la route d'avant. Je me risque alors à faire des pointes à 30 km/h dans les descentes. j'ai retenu la leçon de conduite de Jose et je roule souvent à gauche, y trouvant plus de confort. les voitures ou cars arrivant alors en face se déportent eux aussi sur leur gauche sans aucun mécontentenment. Tout cela semble normal...

A Pacucha, je demande comment est la route pour Abancay. On me répond que c'est de la Pampa, à savoir que c'est plat. La notion de plat est également assez étrange au Pérou. Est plat ce qui monte de 0 à 5% ou toute montée de moins de 5 km. De 5 à 10% ou moins de 15 km ça monte un peu. Lorsqu'un péruvien vous dit que ça monte dur, alors il faut s'inquiéter...ici la route est en effet plate sur 8 km puis monte un peu. Brutalement, elle s'effondre dans un précipice. Je me retrouve sur une de ces routes qui coure à flanc de ravin. Ce matin, la brume est happée vers le haut et lêche alors le chemin au passage, cachant la beauté et la grandeur de la montagne. En bas, tout en bas, quelques parcelles sont éclairées par un soleil que je ne vois pas. Par moments je peux deviner les formes de la montagne. Aiguisée, affûtée, conséquente. Fascinant. En descendant les choses s'éclaircissent. La montagne m'apparait comme j'ai pu la voir hier. 15 km de descente. En bas je dois quitter veste et gants, il fait très chaud. L'atmosphère y est bien différente de celle des hauteurs. Les péruviens sont aux champs, à irriguer, biner ou planter. On y rouve des papayes, bananiers. Un autre Pérou. Je traverserai deux villages sans m'arrêter puis débuterai la montée. Je crois rouler sur la même route qu'hier, tant elle y ressemble, avec la peur en moins et la tranquillité en plus.

Je rencontre une paysanne. Nous discutons. Elle me dit qu'hier 14 touristes colombiens sont morts dans un accident sur cette route. Le combi a basculé dans le ravin. Cela s'est produit sur cette route, à quelques km de là. Elle me dit aussi que nous sommes sur le chemin des Incas, le fameux.

Je continue de monter. Face à moi se dresse deux pics impressionnants se faisant face. Entre eux deux coule une rivière, celle que je viens de traverser, et derrière d'autres pics se cachent dans la brume. Aujourd'hui le Pérou se veut mystérieux et dificille. Il me faudra 4h00 pour faire 20 kilomètres. Là, je bascule dans un autre versant. Autre montagne, autres pics affutés. Ils semblent plus nombreux ici, peut être parce qu'il y a moins de brume. A cette hauteur, les tracteurs que j'ai pu voir avant ont disparu. Tels des bagnards, 4 paysans labourent un carré de terre à coups de pioches,. Alignés en rang serré pour se motiver et les joues gonflées à force de mastiquer la feuille de coca qui leur donne de la force et leur fait oublier la faim. Plus loin deux cantonniers oeuvrent à réparer la route. L'un d'eux pioche la terre sur le bas côté alors que son compagnon la charge dans une brouette pour la déposer un peu plus loin là où il en a besoin. La pelle, la pioche et la brouette : une trinité qui est à la base de l'économie péruvienne, que ce soit dans cette montagne agricole ou dans la montagne minière de la Oroya...

Une longue descente me conduit à Huancanama. J'y mange du riz avec du Tarwi, une céréale bouillie. L'épicière qui me vendra des bananes et du pain a tout juste 10 ans. Elle remplace ses parents momentanément absents. Elle est dure en affaires ; impossible de négocier une sixième banane pour 1 sole ! Sa copine est très curieuse et nous commençons à discuter. Se forme alors un atroupement très caractéristique des villages péruviens. Je m'en irai une demi heure après en direction d'Abancay. il est alors 17h00 et il me faut trouver un endroit où dormir. En traversant un village, un vieillard m'interpelle. Il me demande où je vais, si j'ai de l' eau, si je parle Quechua. Car ici tous parlent Quechua. Je lui demande alors si je peux dormir ici sur la place centrale du village. Aucun problème. Je plante alors la tente aidé par les enfants du village, puis nous discutons. Ils tentent de m'apprendre quelques mots de Quechua que je ne retienrai pas. De mon côté je leur apprends quelques mots de français qu'ils ne retiendront sûrement pas. Echange de bons procédés ! A 18h30 je me glisse sous ma tente, je suis exténue. Après près de 9h00 de vélo et 90 km, je m'endors l'esprit serein. La journée a été bien remplie !

Dormir sur la place centrale d'un village a ses avantages et ses inconvénients. Le premier avantage est la sécurité. Je suis l'invité du village et j'ai ainsi la bénédiction de la communauté villageoise. S'il m'arrive malheur du fait d'une personne mal intentionnée, c'est toute l'honneur du village qui est bafoué. Ensuite, plus terre à terre, cela me permet d'écrire mon carnet de bord une fois la nuit tombée, car ma tente est éclairée comme en plein jour par les deux lampadaires du village. Vous l'aurez compris, cela représente le premier inconvénient une fois ma besogne accomplie. Mais le plus gros inconvenient est sans aucun doute les chiens, encore eux, sempiternellement. Ils n'aiment pas les étrangers, et vont venir aboyer à quelques mètres de ma tente pendant des heures. Je ferai taire les pemiers en leur jetant les quelques pierres apportées ici en trop pour maintenir ma tente. A court de munition, je devrai subir les hurlements des suivants tard dans la nuit...

En rangeant mes affaires au matin, je discuterai avec une jeune professeur et ses deux élèves. Elles attendent le bus, il est 5h30. Le village se lève peu à peu. Je croiserai le vieillard de la veille, puis quelques enfants. Enfin je quitterai le village aux côtés d'un paysan de 73 ans se rendant aux champs muni d'une manchette.

Une longue descente de 30 km me permet de rejoindre le bitume, enfin ! Après ce long raid sur cette piste défoncée je me retrouve sur l'excellente route reliant Nazca à Cusco. Je suis descendu à 2350 mètres d'altitude. Il est 9h30. Après 20 km de montée je suis à Abancay. J'y prends deux déjeuners. Le premier m'est offert par la patronne alors que j'avais réussi au préalable à négocier 2 soles pour le descendre à 3 soles. Le deuxième est agrémenté par un Inca Kola (voir Forum ), une des fierte du pays. Petite gourmandise que je m'offre pour me motiver. L Inca Kola est un des exemples du patriotisme des péruviens qui ont gardé cette boisson au prix d'un difficile boycott contre coca cola. Et même s'il est aujourd'hui produit par coca ccola, cette boisson gazeuse de couleur jaune est une des fiertés du pays. Inca Kola, el sabor del Peru !

En sortant du deuxième restaurant, le ventre plein, je m'arrête devant un policier. Nous discutons. Je lui explique que je viens de Lima et que je me dirige à Cusco. il me demande depuis quand je voyage, si j'aime le Pérou, si je voyage seul...
- Non, je voyage avec mon fidèle vélo !
- A-t-il un nom ?
- Oui, Teresa !
- Ah ! C'est vous qui faites le tour du monde pour le don du sang ?!
- Oui c'est moi.
- J'ai vu votre vélo à la télévision, je le reconnais ! Teresa !
Et voilà comment la bicyclette est devenue plus célèbre que le cycliste ! Jolly Jumper plus fameux que Lucky Luke. Teresa ne pouvant pas faire d'autographes, c'est moi qui signerai à sa place la carte postale que j'offirai à ce policier en guise de souvenir de cette rencontre sympathique.
"A Julian de la police d'Abacay, ce fut un plaisir de vous rencontrer. Signé Teresa et Julien".

Sortir des villes péruviennes n'est jamais chose facile. Pollution à Cusco, chemin introuvable puis cabossé à Ayacucho. Ici, c'est une terrible montée qui signe mon départ. J'aborde avec sueur une rampe pointant vers le ciel. Je repars pour 30 kilomètres d'ascension, et je suis déjà fatigué... Je repense alors au cadeau que m'a fait José, mon chauffeur fou. Je sors de ma sacoche arrière quelques feuilles de coca en me souvenant de ce qu'il me disait : ça donne de la force et ça fait oublier la faim. Pour ce dernier point je ne m'inquiète pas trop après les deux déjeuners avalés. Par contre pour ce qui est de la force, j'en manque cruellement. Le premier essai est catastrophique. Trop pressé de mastiquer, mes feuilles se transforment vite en bouillie que je dois cracher après quelques minutes. Le deuxième essai est plus concluant. J'humidifie d'abord les feuilles en les laissant sur le dessus de la langue. Elles deviennent alors plus souples et la mastication est plus agréable. Il en ressort une substance très forte qui accroche au fond de la gorge. Je passerai ainsi quelques kilomètres à mastiquer la coca. Je penserai aussi beaucoup à Caroline cette australienne rencontrée en Nouvelle Zélande et qui me disait en affrontant des vents terribles, de rester sur mon vélo coûte que coûte, car chaque kilomètre que je faisais me rendait plus fort pour le prochain...

16 kilomètres après Abancay, un écriteau est posé près de nombreuses croix. "respetar esta lugar" Ici, le 21 janvier 2004 un bus a basculé dans le ravin, tuant plus de 50 personnes dont les élèves d'un collège. Voir auant de croix dans un si petit espace est terrifiant. Cette route comme tant d'autres ne permet pas l'erreur. Mais la conduite souvent imprudente couplée à des véhicules en piteux état aboutit trop souvent à ce genre de bilan. Je pourrai lire plus tard un panneau indiquant ou il y a 1,5 millions de morts sur les routes péruviennes chaque année.

96 kilomètres. Je suis au sommet après 50 kilomètres et près de 1600 mètres de dénivelé. Il est 17h00. Voilà comment dans ce pays une montée peut vous prendre toute une journée. Je me lance alors dans une descente de 20 kilomètres dont 15 de piste pour rejoindre le petit village de Cachora. J'y arrive pendant la nuit, à la lampe frontale, effrayant les chiens virulents. A 19h00, après 120 kilomètres, je rentrerai dans le premier restaurant venu, qui fait également office d'hostel. Le patron me présente également un de ses amis qui pourra m'offrir pour 40 soles par jour son cheval et ses services. J'en aurai besoin pour 4 jours selon lui... A suivre.


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