Retrouvez le récit de ce voyage à vélo en Amérique du sud dans le livre 304 pages dont 16 de photos couleur. Prix public : 18 euros. |
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Je reste l'après midi à Trevelin, le temps d'actualiser le site internet et de faire quelques courses. Brook et Ethan arrivent finalement à 21h00. Ethan semble être en pleine forme, bien remis de sa fracture. Nous nous installons près de la rivière pour une nuit paisible.
Le lendemain matin, nous faisons les courses pour notre dernier repas en Argentine. Je m'occupe des fruits, eux de la charcuterie et du fromage. Je prendrai quelques pommes, bananes, oranges, pamplemousses, poires, nectarines et un quart de pastèque. Je quitte la boutique avec 5 kilos de fruits. Eux ont acheté un beau morceau de fromage et quelques tranches de jambon cru. Nous réparerons également deux crevaisons. Brook et Ethan en profitent pour s'afférer à une de leur activité favorite : le changement de pneu. Je répare mon porte bagage arrière cassé dans les Alerces.
Il est 13h30 lorsque nous quittons Trevelin. Les départs accompagnés de ces deux jeunes gens est toujours tardif. A Trevelin se termine l'asphalte. C'est une portion de très mauvaise piste qui suit. Sur la route nous rattraperons Juan, un espagnol en vacances. En fille indienne, nous nous concentrons à notre tâche qui consiste a avancer, rester juché sur le vélo, lutter contre le vent et encaisser les secousses de la piste. La tâche est rude. Elle se déroule dans une grande plaine irriguée par une large rivière. Plaine faite de ronces, puis d'herbe et enfin d'une forêt. Des petites montées nous permettent d'admirer le temps de quelques instants les méandres de la rivière. Un grand pont la traverse. Nous nous y arrêtons. La frontière n'est qu'à quelques mètres. Nous déballons alors toute notre nourriture pour un pique nique inédit, le pique nique des interdits. En effet il est tout à fait interdit de rentrer au Chili avec viandes, fromage, fruits et légumes. J'avais pu constater la rigueur, et aussi la bêtise, de la douane chilienne lors de mes vacances en famille. Nous nous étions présentés à la frontière avec 1 kilo de tomates. Je les avais alors présentées au douanier en lui demandant où je pouvais les jeter. S'en était suivi une ¨heure de procédure judiciaire durant laquelle j'avais du signer un papier de dénonciation, de réquisition, de destruction et de je ne sais plus quoi. Le douanier s'apprêtait a me donner une forte amende lorsque, lassé par cette sérénade, j'ai demandé à voir le grand chef pour lui expliquer que c'était bien de leur faute s'il n'y avait pas de poubelle à la douane. Ils m'avaient alors finalement laissé repartir, libre et sans amende. Ils auraient aussi voulu que je les remercie de cette bonté, du bon fonctionnement de leur démocratie m'avait dit le sous officier...
Alors que tous les voyageurs se débarrassent de tout cela à Trevelin, nous avons voulu mettre un point d'honneur a faire de ce pique nique un festin. C'est un véritable tenedor libre que nous déployons sur les berges de la rivière. A la différence près qu'ici, nous devons absolument tout terminer. Nous débutons avec le fromage et la charcuterie, agrémentés de tomates, poivrons et carottes. Puis nous préparons la salade de fruits. 5 kg pour trois personnes, le défi est de taille. Nous parviendrons cependant à tout terminer au bout de trois heures, aidé il est vrai par Rodolfo, un cyclo punk déjà croisé avant El Bolson qui voyage avec sa compagne Simone. John nous rejoint un peu plus tard.
Nous sommes donc 7 cyclistes à nous présenter à la frontière à 19h30. Nous remplissons le formulaire d'entrée au Chili. Aux questions avez-vous des fruits, nous répondrons que non. Enfin, presque tous. Ethan a encore un morceau d'ail dans sa sacoche. Alors, en honnête citoyen, il répond oui, il possède bien des fruits et légumes. Les douaniers n'y prêtent même pas attention. Et le voilà rentré au Chili avec 5 grammes d'ail en poche et en toute légalité... Nous retrouvons avec bonheur l'asphalte qui nous conduit jusqu'à Futaleufu. Une moissonneuse s'active à notre droite alors que le fleuve poursuit sa route sinueuse.
Futaleufu est une petite ville tranquille. Les maisons y sont faites en bois. La rue principale est dénommée O Higgins. Ce sera le nom de notre dernière ville de cette partie du Chili, dans près de 1000 kilomètres, Villa O Higgins. A l'office du tourisme, Cynthia nous dit que Futaleufu fait partie des trois meilleures rivières au monde pour le kayak. Autant dire la troisième au monde. Nous avons deux questions importantes a lui soumettre :
- Comment s'appelle le Dulce de Leche au Chili ?
- Manjar
- Y a t-il du Mantecol au Chili ?
- Oui, évidemment !
Nous voilà sauvés, nous pouvons appréhender la carratera australe sereinement.
Nous quittons les 4 autres cyclistes pour nous trouver un petit endroit où dormir tranquillement. Nous le trouvons justement en face du camping où vont nos 4 cyclos. Entre nous le rio Futaleufu nous sépare. Au matin je quitte mes amis une nouvelle fois. Nous nous donnons rendez-vous sur la route, dans quelques jours probablement. Après quelques kilomètres je crève. Mon pneu s'est pincé entre deux cailloux. Deux trous. Je répare. Il ne me reste plus qu'une rustine... Lorsque je gonfle je m'aperçois que la pompe achetée récemment ne fonctionne pas. Le premier 4x4 à qui je fais signe ne s'arrête pas. Le deuxième n'a pas de pompe. Le troisième me regonfle ma roue. J'évolue ensuite dans un décor qui me fait penser à la Roumanie, lorsque je m'étais égaré dans le Maramurech. Petite montagne boisée, maisons en bois isolées en plus ou moins bon état, bûcherons, et ce sentiment d'être loin de tout. Ma réparation ne tient pas, je crève quelques minutes plus tard. Je change de chambre à air. Alors arrivent Brook et Ethan. Ce dernier se charge de me gonfler mon pneu.
Le trio reformé nous nous dirigeons en direction de la carratera australe. Nous nous arrêterons manger au bord du Futaleufu au creux d'un de ses méandres. Après déjeuner, je pars devant car mes amis roulent plus vite que moi. Cette fois ci la montagne est souvent coiffée de petits glaciers. On peut voir nettement qu'ils sont en forte régression. La montagne peu à peu se découvre jusqu'à ne plus avoir aucune glace pour les plus petites. Alors la végétation prend le dessus. D'abord des mousses et lichens, puis des graminées, enfin une forêt. Les cascades jaillissent des montagnes. L'eau arrive plus bas, fraîche et limpide, pure. Je m'en délecte. Mais je lis dans ces cascades toute la souffrance de la terre qui se réchauffe à grande vitesse. Ici tous les sommets seront bientôt gris, dénudés de leur chapeau de glace.
Santa Lucia. Brook et Ethan ne m'ont toujours pas rejoint, ce qui est anormal. Je m'inquiète, les attends... 2 heures. Ils arrivent enfin. Brook a cassé deux rayons plus son porte bagage avant. Mauvaise journée, ils arrivent épuisés. Nous nous installons sur la place centrale pour dormir. La nuit est courte. Brook se lève pour vomir à 3h00 du matin, et moi à 7h00. L'eau du village ne devait pas être bonne. Brook, très affaibli par une forte diarrhée, passe la journée à l'hôpital entre les mains de Gloria. De mon coté je me réfugie à l'ombre des arbres pour une journée de repos. Cette fois ci c'est Ethan qui s'occupe de nous.
Le lendemain je me suis bien remis et repars seul. Brook et Ethan prennent le bus jusqu'à La Junta. En chemin je rencontre Jérôme et Nelly, deux cyclovoyageurs français partis d'Ushuaia il y a deux mois. Ce sont des amis de Jasminka qui m'avait hébergée deux nuits chez elle en Croatie. Nous passons une heure à discuter sur la route, entre deux passages de 4x4. Jérôme connaît quelques problèmes avec sa remorque achetée en Pologne (quelle idée aussi!), mais ils affichent une sérénité incroyable. Les écouter est apaisant, ressourçant.
Je retrouve Brook et Ethan en train de manger sur la place centrale de la Junta. Brook va beaucoup mieux, il a repris de belles couleurs. Pour arroser notre bon rétablissement nous décidons de cuisiner ce soir : au programme un bon steak et des frites, un régal ! Les épiceries qui vendent de la viande sont signalées par un petit drapeau rouge. On nous en a conseillé une à l'orée du village. Arrivés à la carniceria "el Turco" (boucherie le turc) une forte odeur de viande me fait grimacer. Derrière la caisse, le boucher, un petit gros dégarni, use de sa scie pour découper quelques morceaux de viande fraîche à un client. Ce dernier repart avec 7 kg d'épaule pour 12 000 pesos (- de 20 euros). A notre tour. Les morceaux de viande sont pendus à un clou. Entre les côtes, une cuisse et un filet, nous optons pour ce dernier morceau de choix. Notre boucher nous en découpe deux belles tranches. Ce faisant il nous dit qu'il tue environ 30 vaches par an. Et si sa boucherie s'appelle "le turc", c'est qu'il est réputé dur en affaires. Mais d'origine turc il n'a point !
La Junta, petit village de 1500 habitants (Santa Lucia en comptait 150), où les maisons impeccablement alignées sont séparées par des carrés de jardins ressemblant plus à de la jachère qu'à de la pelouse Les façades, faites en larmes de bois, sont de couleur uniformes, fraîches ou défraîchies. Le Chili apparaît ici bien plus pauvre que l'Argentine. Cela peut surprendre car le Chili connaît un développement plus important que son voisin. Mais nous sommes ici dans une région très rurale, et ceci peut expliquer en partie cette impression. Mais cela illustre surtout le fait que malgré un PIB qui fait du Chili un pays développé, la mauvaise répartition des richesses est telle que beaucoup de personnes vivent dans la pauvreté. Il s'agit d'un des pays d'Amérique latine ou l'écart entre les riches et les pauvres est le plus élevé (15x). Cela dit, je qualifierai la vie de cette région de simple, mais pas miséreuse. On vit avec peu, on se contente de ce peu, et les enfants ont tout de même de très beaux vélos. Bien loin de l altiplano bolivien, il semble faire bon vivre ici.
Le lendemain il pleut. Je quitte Brook et Ethan et me jette sous la pluie. Pour la deuxième fois dans ce voyage je me retrouve en Nouvelle Zélande. La pluie aide toujours à me donner cette impression. Mais aussi la végétation, extrêmement dense, qui s'étend sur la route et m'effleure les jambes. Et puis parfois des éclaircies faites par la main de l'homme. On y trouve alors une maison en bois, quelques brebis, quelques vaches. J'aimerai frapper à la porte. Alors un chilien m'ouvrirai. On discuterai. Il m'offrirai le thé pour me montrer qu'il ne manque de rien, puis je repartirai enrichi d'une nouvelle rencontre. Je me revois alors à pédaler sur Kauri Street pour me rendre chez mes amis Brian et Rachel. Je m'imagine les serrer dans mes bras, leur dire qu'ils m'ont bien manqué depuis deux ans. Des amis, j'en ai laissé sur le bord de route. Rencontres furtives ou plus profondes, ils me manquent aujourd'hui, j'y repense. Ils me manquent aussi ces amours laissés avant un départ, ou de ceux croisés sur la route. Amis perdus à jamais aussi que, quoi que je fasse, jamais je ne retrouverai. Enfin amis qui m'attendent, quelque part en France ou ailleurs, et que je languis de revoir. Ce voyage, par la pensée, en Nouvelle Zélande me fait penser a tout cela. Mes pensées s'entremêlent, s'entrechoquent. Durant toute la journée je ne suis plus ici, ailleurs, perdu dans un monde qui m'échappe. Je suis triste, fatigué de toutes ces rencontres et amis, qui eux n'ont pas bougés mais que le voyage a éloigné.
J'arrive ainsi à Puyuguapi. Le temps d'acheter de la nourriture pour 3 jours et je repars sous une forte pluie. Je m'endors à quelques kilomètres de l'entrée du parc de Queulat.
Dans le parc national, je fais une petite balade de trois heures pour voir un glacier. Perché au sommet d'une montagne, on ne voit qu'un petit morceau d'un immense réseau de glaciers recouvrant la région. Là encore il recule à grande vitesse. Alors qu'il y a quelques décennies il arrivait pratiquement au niveau de la mer, ce glacier ce situe maintenant a près de 8km de celle ci... Le panorama est grandiose. Le glacier bleu étincelant laisse échapper une eau grondante en deux cascades. Elle s'épand avec fureur jusqu'à un lac en contrebas, là où le glacier raclait encore les fonds il y a peu de temps.
En reprenant la route j'évolue dans un décor où les cascades jaillissent de toute part. Il pleut encore beaucoup aujourd'hui, les sommets sont cachés par les nuages. Je ne vois que les cascades en sortir. D'où peuvent-elles venir ? Certainement d'autres glaciers dissimulés. En fin de journée je m'arrête à la première maison. Ici vivent Ricardo, Maria et Lisette, leur petite fille de 6 ans. Ils m 'autorisent à planter ma tente dans leur cour. Au matin je boirai le maté avec eux. Ils ne manquent en effet de rien, ils ne se plaignent de rien. Je repars le coeur léger, enrichi de trois nouveaux sourires. Cette rencontre s'est passée comme je me l'étais imaginé.
Avant de partir j'entends Lisette susurer quelques mots à l'oreille de sa maman. Je lui de mande ce qu'il se passe. Maria me dit alors que Lisette trouve mes yeux très beaux. Jamais elle n'en a vu de si beaux a t-elle dit. Cette remarque m'interpelle. Malgré la journée morose de la veille, la première de tout ce voyage, le bonheur a été immense durant tout ce voyage. Alors peut être que, comme Christophe ou Caroline, mes yeux reflètent la force de ce bonheur. Il semble que j'ai trouvé dans ce voyage ce que j'étais venu chercher. Et comme la vérité vient toujours de la bouche des enfants, je quitte cette famille avec cette idée. Le voyage peut désormais se terminer, je suis un voyageur comblé, heureux, dont le coeur comme les yeux débordent de bonheur.
Les deux journées qui suivent sont arrosées. Je roulerai un peu avec Jan Willem et Gudrun, deux cyclos hollandais. Je croiserai également Laurent, Delphine, Romane et Samuel, une petite famille en camping car nous venant de Lille. Ils sont partis pour 2 ans de voyage que vous pouvez suivre sur http://www.latitevadrouille.canalblog.com. J'arrive à Coyhaique où je me repose une journée. Il s'agit de la plus grande ville de la carratera australe avec 45000 habitants. Surplombée par trois éoliennes, elle est décoiffée par des vents violents. Demain je repars en direction de Villa O Higgins, à 570 km de là. Je dois y être avant le 27 février pour pouvoir prendre le ferry pour l'Argentine. Je vous retrouve donc à Villa O Higgins, d'ici une dizaine de jours.
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