Julien Leblay...
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Amérique latine à vélo : 11 000 kilomètres pour le don du sang


Retrouvez le récit de ce voyage
à vélo en Amérique du sud
dans le livre

"Cap sur Ushuaia"


304 pages dont 16 de photos couleur.
Prix public : 18 euros.
Cap sur Ushuaia. Voyage à vélo en Amérique latine

Argentine : Saint Rafael - Zapala


Il est 8h00 lorsque je quitte Stéphanie. Cette fois ci rien à faire, les larmes coulent. Sa compagnie durant ces derniers jours va me manquer, c'est une évidence. Mais d'un autre côté je ressens ce besoin d'être de nouveau seul. Après un mois de rencontres, de partage, de voyage en famille ou de vie en famille, j'ai besoin de m'isoler. Depuis un mois, j'ai vécu beaucoup de rencontres, de retrouvailles, de séparations. Celle ci est la dernière, ce qui lui donne une émotion encore plus forte.

Une fois seul, je parcours le chemin inverse d'il y a deux jours. Il me faut effectuer 78 kilomètres pour retrouver la "Ruta 40". Encore une retrouvaille, on ne s'en sort pas ! Commence alors une longue ligne droite de 50 kilomètres. Je traverse des estancias de milliers d'hectares. Ces gigantesques exploitations agricoles sont symbolisées par des petits bâtiments en bois, des clôtures en fil lisse ou en barbelé, et par des éoliennes en métal permettant de pomper l'eau du sol pour les animaux. Ce sont ici des vaches ou des chèvres. Mais perdues dans les immensités je n'en voit que très rarement.

De nouveau seul, je suis grisé par l'envie de pédaler. Aller plus loin, plus vite, pour digérer ce mois de vacances. Je repense à Dario et Mariela et à leur accueil hors du commun à Santiago. Je repenserai au sourire de Christina à San Juan, et au dynamisme d'Ivana sa fille. Je repense aussi à ma famille, aux larmes et aux rires échangés durant leur visite de quelques jours en Patagonie. Et puis les lèvres tremblantes de Hugo, mon hôte de Mendoza. Et enfin à Stéphanie, aux discussions passionnées, aux rires, à la douceur que le voyage avec une femme peut apporter. Alors les kilomètres défilent ainsi sans que je ne m'en rendre compte. Je ne m'arrête pas à El Sosneado. Ce lieu dit ne comporte d'ailleurs qu'une station essence et une petite épicerie. Je poursuis ma route jusqu'à Malargue. J'y arrive après 190 kilomètres, encore assoiffé par les kilomètres.

A peine arrivé, je rencontre Brook et Ethan. Ces deux américains ont commencé leur voyage à vélo à Mendoza et se rendent à Ushuaia. Leur équipement surprend. Ils chevauchent deux vélos de route aux pneus très fins et ont des sacoches peu remplies. Ils comptent poursuivre leur route ce soir car ils n'ont pas beaucoup roulé dans la journée. Je décide de leur emboîter le pas. Et me revoilà parti sans même m'arrêter dans cette ville. Mais la fatigue se fait sentir, et je demande grâce après 206 kilomètres. Nous trouvons un endroit où nous arrêter le long de la route, entre le bitume et la clôture. Je passe alors la soirée avec ces deux jeunes gens. Brook parle un français excellent. Il m'apprend qu'il viendra vivre un an à Clermont Ferrand à partir de septembre pour être prof d'anglais à l'université. Et puis comme avec la plupart des personnes rencontrées ici, locaux ou étrangers, nous évoquons un des sujets chaud de l'actualité internationale : les amours de notre président de la république ! On me demande mon avis sur la question. Peu adepte de ce genre d'histoires, je réponds simplement que cela ne m'importe peu. La seule chose que je retiens est que maintenant, notre président apparaît encore plus petit qu'avant, c'est tout ! Cela dit je constate la différence avec ses prédécesseurs. Alors que dans mes précédents voyages on évoquait souvent Chirac et son parti pris contre la guerre en Irak, ici le sujet est plus terre à terre. Position à l'international ou position du Kama Sutra, chaque président a sa manière pour faire parler de lui à l'étranger ! Mais est-ce bien sérieux tout cela ?!

Après Malargue, le relief devient plus valonné. La montagne apparaît enfin autour de nous, après tant de kilomètres de plaine désertique. Nous décidons de nous séparer avec les américains. Eux roulent bien plus vite que moi sur le bitume. En revanche ils perdent beaucoup de temps sur les pistes. Ils partent devant. Je les rejoins justement sur une portion de mauvaise piste qui aurait fait le bonheur de Stéphanie, tant la tôle ondulée est forte ! Nous arrivons finalement à Barda Blancas ensemble après 30 kilomètres de secousses. Il s'agit du deuxième village depuis San Rafael, et du dernier avant 140 kilomètres. Car la région que nous traversons peut être qualifiée de désertique, tant la densité humaine est faible, tendant vers le 0 habitant au km carré.

A la première épicerie, le patron n'est pas des plus sympathiques. Il n'aime pas les français ni les américains. Pour le coup nous n'aimons ni son pain ni ses biscuits. A la deuxième épicerie, la gérante est bien plus aimable. Nous y prenons quelques légumes et du pain. C'est à la troisième épicerie que nous achetons des facturas, une pastèque et une boisson gazeuse. Le fils du patron nous invite a nous installer dans la boutique pour manger. Nous acceptons volontiers. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que nous avons bien plus de choses dans nos sacoches que ce que nous avons acheté chez lui. Alors nous installons un véritable buffet, un vrai tenedor libre, et commençons la dégustation ! Finalement le père nous demandera gentiment de sortir après plus d'une demi heure, prétextant que c'est l'heure de la sieste et qu'il doit fermer boutique. C'est dehors que nous finirons le repas, et jamais la boutique ne fermera...!

Poussés par l'orage nous roulons à vive allure dans une large vallée drainée par le "rio grande" et dominée par l'imposant volcan Payun (3680 mètres). Sur les crêtes des collines bordant la rivière, de grandes pompes extraient le pétrole à l'ombre du géant. Rien ne pourra donc arrêter l'Homme, surtout pas la grandeur de la nature. Pourtant ces pompes à pétrole apparaissent ridicules face au cône volcanique. Un ouvrier de l'extraction pétrolière me dira que, là encore, le propriétaire n'est pas argentin...

Le volcan Payun est le plus grand d'une série de nombreux autres volcans. Ces derniers ont épanché leur lave en notre direction il y a peu de temps. Le décor que nous traversons alors est bien différent des précédents. La terre est recouverte de coulées de laves. Au lieu de rester bloquée et de former un lac, la rivière s'est faufilée à travers la lave et la traverse avec fureur. Plus loin elle est repoussée contre la montagne avoisinante, dont la roche bien plus érosive se fait lècher par les eaux.

La journée se termine sur une large plage. Il y a déjà un 4x4 installé. A son bord Mathieu et Mélanie, deux français en voyage depuis trois mois sur les routes d'Amérique latine. Nous boirons le maté avec Mathieu. Venant du sud, il nous donne son avis sur les routes que nous allons emprunter.

Au petit matin, nous décidons de nous séparer définitivement, notre rythme étant incompatible. Je les quitte de bonne heure en leur donnant rendez vous sur la route d'ici quelques jours, ou bien à Clermont-Ferrand pour Brook. Me voilà de nouveau seul. Il me faut alors retrouver mes automatismes de pédaleur solitaire, automatismes qui m'ont permis d'arriver jusque là sans encombre et qui devraient me permettre de parcourir la dernière ligne droite de la même manière. La dernière ligne droite en effet. Hier soir j'ai tourné ma carte une dernière fois. Me voilà sur la dernière face, l'ultime. Un long trait vert la traversé de haut en bas avec pour point final Ushuaia. Cette fois-ci je le vois, tout au bout de ce trait d'un mètre cinquante environ. L'excitation monte à mesure que je descends !

Je grimpe rapidement sur un plateau vallonné couvert de roche volcanique. Le paysage est lunaire, la végétation est rase et parsemée, et le relief est éprouvant. A ma gauche le volcan Payun est coiffé de nuages. Il s'agit sans aucun doute du maître des lieux, mais il peine a se dévoiler.

Buta Ranquil est situé au pied du volcan Tromen. Ce dernier a épanché sa lave a l'est. Le paysage est alors tragique une nouvelle fois. J'ai l'impression de passer juste après une éruption. La dernière ne doit pas dater de plus de 200 ans. Je m'arrêterai quelques temps au village. J'y cherche notamment un bouchon pour mon thermos, déjà cassé. Au supermarché la gérante se démène pour me satisfaire, en vain. Elle semble désolée à l'idée que je ne puisse pas boire de maté ce soir. Une catastrophe ! Elle me trouve même un bouchon tout à fait original, muni d'une petite lumière qui permet ainsi de servir le maté la nuit ! Il ne s'adapte malheureusement pas à mon thermos. Elle veut alors m'offrir un maté, mais je refuse poliment. Je la quitte en lui disant de ne pas s'inquiéter pour moi. Mais je la sens contrariée, triste de me voir partir vers un avenir sans maté... C'est finalement Martin, 9 ans, qui m'accompagne à vélo jusqu'à la sortie du village. Je lui demande comment il s'occupe pendant ces deux mois de vacances. Il me répond qu'il a beaucoup de choses à faire. Je n'ai pas vu ici de ces lieux où les jeunes s'abrutissent devant des jeux vidéo d'une violence incroyable. Alors oui, pour sûr, ses vacances seront bien plus intéressantes que celles de beaucoup de ses confrères d'ici et du monde entier.

Je dormirai quelques kilomètres plus loin près d'une ancienne source d'eau chaude. Il ne reste plus que l'odeur de souffre très forte. Au dessus de moi, le volcan Tromen me parait menaçant...

Plus au sud, la terre n'est plus recouverte de basalte. Les clôtures réapparaissent, preuve que le sol est plus propice à l'élevage. Pourtant la végétation est toujours petite et éparse. Dans une montée, un argentin s'arrête en voiture. Il s'appelle Julio, nous discutons un moment. Il me demande ma nationalité, mon âge, et fini par me présenter sa fille. Elle est jolie me dit-il ! Il semble vouloir la marier. Je lui réponds qu'elle est bien jeune, et que je suis déjà marié, avec mon vélo. Il semble déçu mais me donne tout de même son adresse à Chos Malal, au cas ou je change d'avis...

J'arrive à 14h00 à Chos Malal. Je prends le temps de manger quand je vois arriver les deux gringos (en Argentine, le terme de gringo ne s'applique qu'aux citoyens des états unis, aux Yankees). Nous nous rendons ensemble au camping municipal, puis je les laisserai aller déguster une chèvre grillée, la spécialité de la région dit-on. Pour ma part ce sera un plat de pâtes. Je constate avec plaisir que j'ai retrouvé mon appétit d'antan, et que je dévore ainsi mes 500 grammes chaque soir.

Je quitte de nouveau Brook et Ethan au matin. J'évolue encore dans des paysages secs. Parfois, quelques oasis symbolisées par de grands arbres. Suivant la taille de ces oasis, on trouve quelques maisons, un village ou une ville comme Chos Malal. Une longue montée de 15 kilomètres sous une chaleur accablante me permet d'arriver au lieu dit de Churriaca. Il y avait une station essence auparavant. Elle a fermé, il ne reste plus que 15 chèvres. Je rencontre des argentins en panne de voiture. Je leur demande depuis combien de temps il n'a pas plu ici.
- Oh là ! Depuis novembre au moins !
- Peut-être bien octobre me répond un autre
Bref, il ne pleut pas souvent, bien moins qu'à San Rafael quelques kilomètres plus au nord.

Je déboule sur une vaste plaine marron au bout de la quelle j'ai grand mal a discerner la route. Cette dépression est gigantesque, délimitée par de petites montagnes. Sur celle de droite je peux voir et entendre l'orage. Mais il ne viendra pas jusqu'a moi, je le sais maintenant. Comme ses habitants , la pluie a déserté cette région en la contournant. Je me contente alors de sentir les gouttes d'eau comme dans un rêve. Rêve de fraîcheur, je les imagine ruisseler sur ma peau. Un rêve oui, car sur ma peau je ne vois que de la transpiration...

Le rêve devient pourtant réalité quelques minutes après. Je reçois une première goutte. Très vite ce sont des glaçons gros comme mon pouce qui me tombent dessus. Le bombardement dure 10 minutes. 10 minutes pendant lesquelles je me courbe sur le vélo tel un chien battu recevant les coups. La glace me frappe violemment les mains, la tête et les jambes. Mes cuisses sont rougies par le mal. Puis s'ensuit une heure de pluie diluvienne. Autour de moi, aucun abri. Je dois continuer. Et de toutes façons un arrêt serait sanctionné par le froid. Entre l'eau et le froid, j'ai choisi mon meilleur ennemi, je continue. L'orage est dantesque et m'assaille de toute part. Je suis encerclé. Les éclairs fusent de toute part, me font souvent peur lorsque ils éclatent tout près de moi. Mes pensées vont alors vers mes deux amis américains. Ont-ils pu s'abriter ou sont-ils eux aussi prisonniers de la tourmente ? Je pense aussi à Stéphanie qui me disait combien elle déteste l'orage. Cette petite plaisanterie du temps ne lui aurait certainement pas plu !

Pour ma part cet orage me fascine et me donne des ailes. Vivre aussi intensément la force de la nature est grandiose, unique. Puis les gouttes se font plus rares, plus petites. Le ciel s'illumine. Des montagnes apparaissent devant moi, ombres chinoises sortant de la brume, dessinées d'un trait fin sur un fond orange. J'arrive à las Lajas après 164 kilomètres et beaucoup d'adrénaline !

Au commissariat, c'est l'heure du maté (car c'est toujours l'heure du maté en Argentine). Deux policiers avenants m'indiquent un endroit où dormir. Le camping municipal est en travaux depuis 5 mois et devrait ouvrir dans un an. En attendant je peux m'y installer gratuitement. Il n'y a pas de douche alors le policier m'invite a la prendre au commissariat. Non merci, j'ai eu ma dose aujourd'hui !. Le gardien du soir, Raul, me tient compagnie le temps du dîner. Et lorsque je sors mon maté, il se fait un plaisir, et un devoir, de peaufiner mon éducation en la matière. J'apprends alors qu'il faut en premier lieu verser de l'eau froide dans le maté pour que la "Hierba" s'hydrate en douceur sans se brûler. Je dois alors aspirer deux gorgées de ce liquide froid et le cracher. Alors seulement je peux utiliser l'eau chaude, et profiter ainsi pleinement de ce produit argentin. Le maté est tout un art !

Je m'endors rapidement. La journée avec ses longues montées, sa chaleur puis la pluie a été épuisante.

Le lendemain je regagne rapidement Zapala malgré un relief encore exigeant. Zapala signe la fin d'une longue traversée désertique. A partir de là je vais me diriger plus à l'ouest, en direction de la cordillère des andes. Alors les paysages devraient être bien plus intéressants, et le voyage aussi par la même occasion. Je ne sais pas si je reverrai Brook et Ethan, à suivre !

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